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tout-à-fait moi-même ; qu’abîmé dans vous, je ne sente & ne voye que vous, d’une maniere connue à peu de personnes, & qui surpasse toute operation des sens.

O que j’en suis éloigné ! je pleure, je gemis souvent, & penetré de douleur, je plains ma misere.

Car il m’arrive en cette vallée de larmes, une infinité de choses qui m’inquiettent, qui m’affligent, qui me troublent la raison. Entre les objets qui se presentent à mes sens, les uns m’embarrassent & me distraisent, les autres m’attirent & me charment. Ainsi je me trouve separé de vous, & privé de saintes délices dont vous comblez les Esprits celestes.

Laissez-vous gagner à mes soûpirs, & soyez touché de tant de maux que j’endure sur la terre.

Jesus, ô la splendeur de la gloire du Pere, ô l’unique consolation de mon ame, dans ce long & fâcheux exil, mon cœur fait l’office de ma langue, & mon silence vous parle.

Jusques à quand mon Seigneur differera-t-il à venir ?

O que je serois heureux, s’il descendoit jusqu’à moi, qui suis le plus pauvre de ses serviteurs ; s’il daignoit me visiter, & me réjouir par sa presence ; si avec son bras tout-puissant