Est-ce une vraye vie que celle-ci, où regnent par tout la maladie & la mort ?
Cependant on l’aime, on s’y plaît, & plusieurs esperent y trouver leur beatitude.
On se plaint souvent du monde, comme d’un trompeur ; & neanmoins on ne sçauroit se résoudre à le quitter, tant on a de peine à vaincre la concupiscence de la chair.
D’un côté il paroît aimable, & de l’autre digne de mépris.
Ce qui fait qu’on s’y attache, c’est l’envie qu’on a, l’un de satisfaire la sensualité, l’autre d’assouvir son avarice, l’autre de contenter son orgueil & son ambition.
Ce qui en donne de l’éloignement & du dégoût, ce sont les peines que ces faux plaisirs traînent après eux.
Mais hélas ! l’amour du plaisir l’emporte sur la raison, & une ame possedée de l’esprit du monde, se repose parmi les épines[1] ; parce que jamais elle n’a goûté la douceur de Dieu, ni connu la beauté de la vertu.
Une ame au contraire, qui méprise tout-à-fait le monde, qui fait profession de ne vivre que pour Dieu, ne peut ignorer combien Dieu est doux à l’égard de ceux qui quittent tout pour l’amour de lui, ni en combien de maniere le monde est trompé, & combien sont dangereux les égaremens.
- ↑ Job. 30. 7.