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Quand il feroit de très-rudes penitences, ce seroit encore fort peu.

Quand il auroit toute la science possible[1], il n’en seroit guéres meilleur.

Quand il auroit même des sentimens d’une tendre & ardente devotion, il lui manqueroit encore une chose très necessaire pour être parfait.

Hé ! quoi ? ce seroit qu’après avoir quitté tout le reste, il se quittât & se renonçât aussi lui-même, & qu’il éteignît tout à fait en lui l’amour propre.

S’il arrivoit même que quelqu’un eût fait tout ce qu’il auroit crû de voir faire ; il devroit compter tout cela pour rien.

Il ne faudroit pas qu’il prisât beaucoup ce que d’autres auroient admiré en lui. Il faudroit plûtôt qu’il se regardât comme un serviteur inutile, suivant ce que dit la verité même : Quand vous aurez fait tout ce qu’on vous aura commandé, dites que vous êtes des serviteurs inutiles[2].

C’est là le moyen d’acquerir le vrai esprit de pauvreté, & de pouvoir dire avec le Prophéte : Je suis seul & dénué de tout[3].

Cependant nul n’est plus riche, ni plus puissant, ni plus libre que celui qui se dépoüille volontairement de tout, qui se haït lui-même, qui choisit par tout la derniere place.

  1. 1. Corinth. 13.
  2. Luc. 17. 10.
  3. Psal. 24. 10.