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Mais ici ce bon M. Proudhon tombe dans de grandes convulsions intellectuelles. Si toutes ces catégories sont des émanations du cœur de dieu, si elles sont la vie cachée et éternelle des hommes, comment se fait-il, premièrement qu’il y ait développement et deuxièmement, que M. Proudhon ne soit pas conservateur ? Il vous explique ces contradictions évidentes par un système entier de l’antagonisme.

Pour éclaircir ce système d’antagonisme, prenons un exemple.

Le monopole est bon, car c’est une catégorie économique, donc une émanation de dieu. La concurrence est bonne, car c’est aussi une catégorie économique. Mais ce qui n’est pas bon, c’est la réalité du monopole et la réalité de la concurrence. Ce qui est encore pire, c’est que le monopole et la concurrence se dévorent mutuellement. Que doit-on y faire ? Parce que ces deux pensées éternelles de dieu se contredisent, il lui paraît évident, qu’il y a dans le sein de dieu également une synthèse entre ces deux pensées, dans laquelle les maux du monopole sont équilibrés par la concurrence et vice versa. La lutte entre les deux idées aura pour effet de n’en faire ressortir que le beau côté. Il faut arracher à dieu cette pensée secrète, ensuite l’appliquer et tout sera pour le mieux ; il faut révéler la formule synthétique cachée dans la nuit de la raison impersonnelle de l’humanité. M. Proudhon n’hésite pas un seul moment à se faire révélateur.

Mais jetez un moment votre regard sur la vie réelle. Dans la vie économique actuelle vous ne trouvez non seulement la concurrence et le monopole, mais aussi leur synthèse qui n’est pas une formule, mais un mouvement. Le monopole produit la concurrence, la concurrence produit le monopole. Pourtant cette équation, loin de lever les difficultés de la situation actuelle comme se l’imaginent les économistes bourgeois, a pour résultat une situation plus difficile et plus embrouillée. Ainsi en changeant la base, sur laquelle se fondent les rapports économiques actuels, en anéantissant le mode actuel de production, vous anéantissez non seulement la concurrence, le monopole et leur antagonisme, mais aussi leur unité, leur synthèse, le mouvement, qui est l’équilibre réel de la concurrence et du monopole.

Maintenant je vais vous donner un exemple de la dialectique de M. Proudhon.