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selle, de la raison impersonnelle de l’humanité, qui ne se trompe jamais, qui a été de tout temps égale à elle-même, dont il faut avoir seulement la conscience juste, pour se trouver dans le vrai ? Pourquoi fait-il du faible hégélianisme, pour se poser comme esprit fort ?

Lui-même, il vous donne la clé de l’énigme. M. Proudhon voit dans l’histoire une certaine série de développements sociaux ; il trouve le progrès réalisé dans l’histoire ; il trouve enfin, que les hommes, pris comme individus, ne savaient pas ce qu’ils faisaient, qu’ils se trompaient sur leur propre mouvement, c’est-à-dire que leur développement social paraît à première vue chose distincte, séparée, indépendante de leur développement individuel. Il ne sait pas expliquer ces faits et l’hypothèse de la raison universelle, qui se manifeste, est toute trouvée. Rien de plus facile, que d’inventer des causes mystiques, c’est-à-dire des phases, où le sens commun fait défaut.

Mais M. Proudhon, en avouant qu’il ne comprend rien au développement historique de l’humanité — et il l’avoue lorsqu’il se sert des mots sonores de raison universelle, dieu, etc., — n’avoue-t-il pas implicitement et nécessairement, qu’il est incapable de comprendre les développements économiques ?

Qu’est-ce que la société, quelle que soit sa forme ? Le produit de l’action réciproque des hommes. Les hommes sont-ils libres de choisir telle ou telle forme sociale ? Pas du tout. Posez un certain état de développement des facultés productives des hommes et vous aurez une telle forme de commerce et de consommation. Posez certains degrés de développement de la production, du commerce, de la consommation, et vous aurez telle forme de constitution sociale, telle organisation de la famille, des ordres ou des classes, en un mot telle société civile. Posez telle société civile et vous aurez tel état politique, qui n’est que l’expression officielle de la société civile. Voilà ce que M. Proudhon ne comprendra jamais, car il croit faire grande-chose, quand il appelle de l’état à la société civile, c’est-à-dire du résumé officiel de la société à la société officielle.

Il n’est pas nécessaire d’ajouter que les hommes ne sont pas libres arbitres de leurs forces productives — qui sont la base de toute leur histoire — car toute force productive est une force acquise, le produit d’une activité antérieure. Ainsi les forces productives sont le résultat de l’énergie pratique des hommes, mais