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avait été subjugué par le charme des « grands yeux noirs », ni parce que George Sand, fatiguée de l’amour orageux et maladif de Musset s’imagina qu’elle avait enfin trouvé cet « amour vrai qui appelle et fuit toujours »[1] qu’elle resta à Venise. Sans aucun doute, la passion simple, entière et sincère du jeune docteur aux cheveux d’or[2], qui avait soigné avec tant de dévouement son ami malade, apparaissait aux yeux de George Sand comme un amour vrai et rare et elle rêvait de trouver enfin le repos et la paix de l’âme. George Sand ne se fût cependant pas séparée de Musset, si la santé du poète n’avait pas rendu cette séparation indispensable et si, enfin, elle avait pu se libérer de ses engagements envers son éditeur et s’acquitter des dettes qu’elle avait contractées à Venise. La santé de Musset exigeait qu’il partît seul, et les affaires de George Sand qu’elle restât loin de Paris. Voici ce qu’elle écrivait à Boucoiran, le 6 avril (cette lettre est insérée, mais toute défigurée dans la Correspondance, t. I, p. 265)[3] :

  1. Expression de Mme Dorval (voir plus haut).
  2. Le docteur Garibaldi dit : « Da giovine era biondo, quasi rosso, robustissimo, alto, bello. Vecchio ora di ottant’anni venerando all aspetto, e ancor vigoroso, si leva di buon mattino, fa delle passegiate, puó leggere senza occhiali, è sempre di umore allegro : da molti anni, però, è completamente sordo… » (En ses jeunes années il était blond, presque roux, très robuste, grand et beau. À présent, âgé de quatre-vingts ans, d’aspect vénérable, il est vigoureux, se lève de grand matin, fait des promenades, peut lire sans lunettes, est d’une humeur toujours gaie ; mais depuis longtemps déjà il est complètement sourd…)
    On voit par tout ceci que c’était physiquement et moralement une nature tout à fait saine.
  3. Arvède Barine en reproduit quelques fragments inédits. Depuis la publication de ce chapitre dans le Messager du Nord de 1895, M. Roche-blave dans son article : Fin d’une légende a donné un fragment de cette lettre, autre que celui publié par Arvède Barine.