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aux lettres si simples de Pagello, qui respirent la véracité.

« … Je ne me rappelle ni le jour, ni l’heure, mais je sais qu’on m’a d’abord engagé à venir, non pour Alfred de Musset, mais pour faire une saignée à George Sand… ce fut dans les premiers jours de mars 1834[1]… » — Ainsi commence son récit sur le docteur Pagello[2]

« George Sand souffrait de violents maux de tête dont elle ne fut sauvée que grâce aux saignées[3], — ajoute, d’après les paroles de Pagello, le docteur Garibaldi-Locatelli. — Dans un de ces accès névralgiques, le docteur Pagello fut appelé pour faire une saignée, ce qu’il fit avec succès avant très bonne vue et le toucher très fin. Mme Sand produisit sur lui une impression qui le charma tout particulièrement par l’expression de sa physionomie intelligente, de ses yeux étonnants (per gli occhi stupendi) ; elle n’avait aucun embonpoint, ses lèvres étaient épaisses et laides, ses dents peu blanches, car elle fumait constamment des cigarettes qu’elle savait faire avec une rapidité étonnante ; à Venise, elle les faisait avec le meilleur tabac turc[4]. »

    une ligne d’Alfred ne fait allusion à ce fait ; il reproche bien des choses à sa maîtresse, mais jamais cela. Il ne nous paraît guère possible d’admettre que George Sand épuisée par les veilles, malade elle-même, se soit donnée à un autre homme sous Les yeux de celui qu’elle soignait avec un dévouement sans bornes. Toute sa vie elle a protesté là contre ; elle s’est défendue, non pas d’avoir été la maîtresse de Pagello, mais de l’être devenue dans des circonstances que voilà. Je parle du fait matériel et non de la « déclaration », adressée par elle à Pagello et signalée récemment par le docteur Cabanès… » — M. Mariéton donne dans son livre la fameuse « page dictée », mais elle est écrite, répétons-le, par Paul de Musset !…

  1. En réalité c’était au commencement de janvier.
  2. Lettera del Dr Pietro Pagello al signor prof. Ercole Moreni à Portoferrajo. 16 nov. 1877.
  3. Dans l’Histoire de ma Vie, George Sand dit qu’elle connût pour la première fois à Venise « d’atroces douleurs de tête qui se sont installées depuis lors dans mon cerveau en migraines fréquentes et souvent insupportables ».
  4. Lettera del Dr Garibaldi-Locatelli al signore prof. Ercole Moreni,