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même genre pour la nuit prochaine, et d’autres encore peut-être, car il n’y aura pas à se flatter avant six jours encore. Aura-t-il la force de supporter de si horribles crises ? Suis-je assez malheureuse et vous qui connaissez ma vie, en connaissez-vous beaucoup de pires.

« Heureusement j’ai trouvé enfin un jeune médecin, excellent, qui ne le quitte ni jour ni nuit et qui lui administre des remèdes d’un très bon effet. »

« P.-S. : Gardez toujours un silence absolu sur la maladie d’Alfred[1], et recommandez le même à Buloz. Embrassez mon fils pour moi. Pauvre enfant ! le reverrai-je ? »

Le jeune docteur dont George Sand fait mention dans cette lettre était Pietro Pagello à qui il était réservé de jouer un grand rôle dans la vie de George Sand et de Musset, et qui durant cinquante ans[2], sut garder le silence avec une réserve admirable, sans jamais répondre un seul mot à tout ce qui fut dit ou écrit sur son compte dans la presse italienne ou française (quoiqu’il lût tout). Ce ne fut qu’à la suite d’instances réitérées que, comme malgré lui, il raconta enfin, de son côté, en 1887, avec une modestie qui lui fait honneur, les événements de l’année 1834. Et nous nous empressons de dire qu’entre tous ceux qui ont parlé du drame de Venise, la palme revient, sans contredit, à Pagello pour la simplicité, la sobre véracité, la délicatesse dont il a fait preuve dans ses lettres et dans son récit oral, transmis, d’après ses propres

  1. Il a été beaucoup parlé dans la presse de la maladie de Musset que personne, à commencer par le médecin, n’a jamais osé appeler de son vrai nom. Le médecin l’a poliment appelée « fièvre typhoïde », mais en réalité, c’était le « delirium tremens », effet final de la vie de débauches de Musset.
  2. Il est mort quand notre travail était déjà fini, au printemps de 1898 âgé de plus de quatre-vingt-dix ans.