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douleur plus difficile à supporter que toutes celles qui nous frappent à l’état d’individu. Elle a pris tant de place dans mes réflexions, elle a eu tant d’empire sur ma vie, jusqu’à venir empoisonner mes phrases de pur bonheur personnel, que je dois bien la dire aussi…[1] » etc.

Et Musset dit dans sa célèbre dédicace à Alexandre Tatett :

    D’ailleurs, il n’est pas dans mes prétentions
    D’être l’homme du siècle et de ses passions.
    Si mon siècle se trompe, il ne m’importe guère :
    Tant mieux s’il a raison, et tant pis s’il a tort ;
    Pourvu qu’on dorme encore au milieu du tapage,
    C’est tout ce qu’il me faut et je ne crains pas l’âge
    Où les opinions deviennent un remords.

Si les lignes de cette dédicace qui viennent après celles-ci font tant d’honneur à la libre pensée de Musset, à sa tolérance en matière de religions et de nationalités, à son mépris pour ce que l’on est convenu d’appeler « patriotisme », et nous le montrent comme un homme plaçant l’humanité au-dessus de la nationalité — les lignes citées témoignent au moins de son inertie et de son indifférence envers les questions qui ont agité ou agitent encore les plus grands esprits de notre siècle.

Tout en prenant entièrement à cœur les grandes causes générales, George Sand était en même temps un écrivain de vocation par toutes les tendances de sa nature. Son art, elle l’aimait plus que tout au monde ; son travail, elle le regardait comme le premier des devoirs, sinon comme la chose qui, dans sa vie, primait toutes les autres ; elle tra-

  1. Voir le chapitre vii.