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Pour écrire ces lignes il fallait, sans aucun doute, être un poète soi-même et avoir profondément compris et senti toute la poétique nature d’Alfred de Musset. C’est dans cette compréhension mutuelle de leurs natures poétiques et exclusives que résida l’invincible attraction qui rapprocha subitement George Sand et Musset. Au milieu de tous les orages qui surgirent plus tard entre eux, malgré tous leurs chagrins, cette attraction persista, les attirant irrésistiblement l’un vers l’autre, leur faisant oublier les trahisons, les offenses et les querelles, et après leur séparation définitive, elle leur laissa dans le cœur, bien des années encore, la mémoire d’un brûlant amour poétique, le plus orageux peut-être, mais aussi le plus beau dans la vie de tous deux, le souvenir d’un être rare, cher à jamais.

Au commencement de ce chapitre, nous avons dit qu’il était bien difficile de trouver les raisons qui font que les hommes se conviennent et se rapprochent, et qu’il est inutile, quoique tout le monde le fasse, de rechercher les causes de leur refroidissement, de leurs désenchantements, et de leurs ruptures. George Sand et Musset en sont un exemple clair et bien remarquable. Il y avait entre eux tant de raisons de désaccord, tant de dissemblance, que dans la suite, tous deux, l’un dans la Confession d’un enfant du siècle, l’autre dans Elle et Lui (où il faut chercher non des faits, mais les idées et les sentiments qu’inspira l’histoire réelle), les deux auteurs se sont, sans s’être concertés et comme d’un commun accord, servis d’une personne secondaire et d’un fait extérieur et accidentel comme prétexte de la rupture de leurs héros. Et c’est ce qui s’est passé en réalité. George Sand et Musset, natures également poétiques, étaient gens si différents, que, par exemple, Maxime Ducamp