Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme nous n’avons pas parlé jusqu’à présent des relations personnelles des deux grands romanciers, saisissons cette occasion pour en dire quelques mots ; cette occasion nous semble d’autant plus propice que ce fut précisément au commencement de 1838 que Balzac vint voir George Sand à Nohant. Ils avaient fait connaissance tout au début de sa carrière littéraire, presque immédiatement après son installation à Paris. Ce fut Jules Sandeau qui les présenta l’un à l’autre, bien qu’il fût lui-même peu en relations avec Balzac à cette époque. Les rapports entre le célèbre écrivain et la romancière en herbe furent d’emblée de nature cordiale : ils devinrent vite camarades. L’Histoire de ma Vie, nous peint des soirées et des dîners absolument curieux chez Balzac, et l’impression que fit alors sur la jeune femme ce rêveur incorrigible, cet éternel créateur des projets fantastiques, naïf comme un enfant, simple comme un génie, esprit sincère et loyal, infatigable travailleur, véritable artiste adorant son art et lui ayant voué un véritable culte. George Sand nous raconte encore comment, un jour, le grand original les accompagna (elle et Sandeau) jusque chez elle en robe de chambre écarlate et en pantoufles, avec un chandelier en vermeil à la main, leur éclairant la route à travers les rues désertes et sombres. Elle raconte aussi ses discussions avec Balzac, sur l’art et la littérature, discussions qui finissaient ordinairement par la fuite de Balzac, détalant et jurant de la manière la plus comique du monde, de ne plus mettre les pieds chez elle, mais se terminant d’autres fois aussi par la constatation bien calme qu’ils avaient deux manières diverses de voir les choses, qu’ils suivaient dans leurs œuvres des voies tout opposées et des systèmes tout différents.

Il y avait, au fond, peu de points communs entre eux,