Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au milieu de la nuit. Il est avec moi d’une tendresse et d’une bonté inconcevables, après tout ce qui s’est passé de cruel entre nous. Au reste, notre position respective est changée, et il y a de si étranges complications que je ne puis te les dire que verbalement ; ce serait trop long. Viens me voir. »

Mais quelques jours plus tard, elle répète ce qu’elle avait dit précédemment.


« Je crois que j’ai enfin terrassé le dragon et que cette passion tenace et ruineuse de toutes mes facultés a enfin été guérie par une autre affection plus douce, moins enthousiaste, moins âpre aussi, et j’espère, plus durable. Michel est maintenant à l’abri de tout chagrin venant de moi. Il est dans l’élément qu’il lui fallait pour vivre, il voit de temps en temps des personnes de mes amis auxquelles il dit que je suis le seul amour de sa vie. Quel amour ! mais je n’en suis plus blessée. Le calme et la justice sont rentrés dans mon cœur, et je l’aime aujourd’hui comme tu l’aimes toi-même. Du moins, je me flatte qu’il en est ainsi, je l’espère, j’y travaille, je fuis Paris. J’irai en Italie au printemps, je passerai par Nevers, pour te voir, pour rester deux ou trois jours près de toi.

« Adieu, cher bon, je t’embrasse de toute mon âme ; mes enfants aussi t’embrassent. »


Il est à croire que les mots sur « l’affection plus douce, moins enthousiaste » se rapportent à Félicien Mallefille qui, d’après une lettre inédite de George Sand à Mme Marliani, — arriva à Nohant aussitôt après son retour de Nérac : « deux heures après mon retour dans mes foyers respectives (toujours) », écrit-elle à Mme Marliani — et qui, ayant