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retrouvera en moi un sentiment que l’âge aura rendu plus calme et que le temps n’aura pas rendu moins sincère et moins tendre. Mais ce temps est loin ; il faudra des années pour fermer la blessure profonde que j’ai au travers de la poitrine.

« Dans la lettre que Duplan m’écrit, Michel semble désirer une entrevue avec moi. Moi, je l’éviterai. Fais-le comprendre à Michel, s’il est encore près de toi. Je vois à la manière détournée dont il m’exprime sa fantaisie, qu’il met beaucoup d’orgueil à toutes ces choses. Il ne peut plus y en avoir dans mon âme. Ménage le sien, et dis-lui que je vais voyager, que je ne sais moi-même où j’irai. Le fait est que je retourne à Nohant au mois d’octobre, pendant que Michel sera à Paris (car il paraît devoir y aller, d’après la lettre de Duplan).

« Il faudra que tu viennes me voir, n’est-ce-pas, mon bon frère ! oh ! que tu as été bon pour moi ! Comme tu as compris et senti ma souffrance !

« Adieu, cher frère, je ne te dis rien du présent, afin que si l’on t’interroge là-dessus, tu n’aies pas d’embarras pour répondre. Tout se résume dans ce mot qui est notre devise à tous, à lui, l’orgueilleux, comme à moi, le bohémien :

« Malheur ! Malheur ! Malheur ! »


Il est vrai que le 18 septembre encore, elle annonce à Girerd qu’elle a reçu une lettre de Michel « avec sommation, sans autre forme de procès, de me rendre à Châteauroux pour le voir. Tu penses que je n’y suis pas allée ? Tu te trompes. J’ai fait huit lieues au galop par une nuit glacée pour le voir un instant. Il est resté alors deux jours avec moi. Il allait à Niort ; et à son retour, bien qu’il m’eût juré qu’il ne remettrait jamais les pieds à Nohant, il est arrivé