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pris par l’éditeur, George Sand n’avait alors parmi ses amis aucun docteur de quatre-vingts ans, et que ce docteur ne peut être autre que l’auteur lui-même. Mais, pour nous, avant même que nous ayons vu ce petit fragment écrit dans les feuillets du journal de Piffoël, il n’était que trop clair que c’est le docteur Piffoël qui l’a écrit. Au moment où il écrivait ces quelques pages racontant comment un petit oiseau qu’il avait sauvé, en récompense des tendres soins qu’il lui avait prodigués, s’était attaché à lui dans l’espace de dix jours, l’ami Piffoël n’était certes plus le brave et gai docteur-voyageur, qui avait su calmer doucement l’âme malade et rongée par le doute de la « princesse Mirabella ». Il était lui-même profondément triste et désenchanté, et tout ce qu’il dit des attachements humains et de l’ingratitude des hommes, trahit d’autant plus l’amertume et le mépris qui remplissaient son cœur, qu’il vient de peindre en quelques traits pleins de tendresse l’histoire touchante de la petite fauvette qu’il avait sauvée.

C’est à ce moment aussi que se rapportent les lettres inédites à Girerd[1], dont la première est datée de juillet, sans autre indication de jour, et qui sont comme l’épilogue des Lettres de Femme :


« Bon frère,

« Je suis à Paris ; on m’y renvoie ta lettre. Je suis venue soigner ma pauvre mère qui est mourante, et j’y resterai

  1. Frédéric Girerd, avocat et homme politique éminent, naquit en 1810 et mourut en 1859. Il a rempli des fonctions municipales à Nevers, fut bâtonnier de l’ordre des avocats de cette ville, collabora à différents journaux de l’opposition, et fonda lui-même une feuille locale : l’Association. Il était l’ami intime de Michel et de Cavaignac, fut député du Nivernais en 1848, ensuite commissaire du gouvernement provisoire à Nevers, et enfin membre de l’Assemblée constituante. Après le