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terme dans sa pureté » que Dostoïevsky a donnée aux héroïnes de George Sand. Edmée, cette brave, fière et intrépide jeune fille, qui aime Bernard dès le premier moment, mais ne le lui montre pas, qui le guide et le transforme, faisant de lui un homme digne d’elle et de sa propre estime ; ce grand esprit et ce grand caractère nous rappelle toujours la Portia du Marchand de Venise, notre héroïne préférée de toutes les femmes de Shakespeare. Oui, il nous semble qu’Edmée est la sœur cadette de cette vaillante et spirituelle jeune fille qui, travestie en docteur ès lois, se nomme Baltazar, marche à grands pas, contrefait sa voix en parlant gravement au doge et aux juges, et sauve le pauvre Antonio des griffes de Shylock. Il nous semble que ce charmant justicier donne en souriant la main à la blonde Edmée, vêtue en amazone de drap gris, soutachée d’argent, chapeau à plumes et à larges bords, cravache à la main, qui entre fièrement dans la sombre salle du château des Mauprat, tâchant vainement de masquer la terreur qui l’envahit, soutenant sans sourciller le terrible tête-à-tête avec Bernard, dangereux comme un loup en liberté, et parvenant à le dompter par l’ascendant de son âme indomptable, par celui de son esprit, et par le charme de sa pureté virginale. On trouve dans le roman des longueurs, des déclamations, des réminiscences des théories de Michel et de Rousseau dans la bouche de Patience. Mais, on peut assurer que cette œuvre artistique occupe une place à part parmi les romans de George Sand, par l’ensemble de toutes ses parties comme par ses détails, par son coloris, par son style, par la puissance de la peinture des personnages principaux aussi bien que des figures secondaires, sans en excepter même le bon petit chien Blaireau. Jamais ni Bernard, ni Edmée, ni Patience, ni Marcasse ne se con-