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ques modistes, le bruit du vent dans les vieilles cheminées de Nohant ou le chant du rossignol au jardin, tout avait sur elle une influence tantôt directe, tantôt par contraste. L’entretien des deux couturières vénitiennes qu’elle entend par hasard, lui suffit pour transporter son esprit dans les rues de La Châtre, au milieu des pauvres modistes qu’elle a connues autrefois — et elle écrit André. Le chant des rossignols dans les lilas de Nohant réveille en elle le souvenir des rossignols qu’elle a entendus chanter à San-Fantino ou au Ponte di Barcaroli, à Venise — et elle écrit les Maîtres mosaïstes. Prêtant l’oreille au gémissement du vent autour du château de Nohant, ses pensées s’envolent dans les pays méridionaux, son imagination lui dessine les plages ensoleillées de la belle Adriatique et des îles Ioniennes, théâtre des exploits du terrible Uscoque, ou bien, au contraire, les lugubres impressions d’une nuit orageuse font naître les sombres scènes du château des Mauprat.

Mauprat est avec raison considéré comme un des meilleurs romans de George Sand, on le lit encore avec le même intérêt qu’à l’époque de son apparition[1]. Et la première raison en est que la donnée générale du roman, très caractéristique pour George Sand, n’est nullement vieillie, mais a plutôt un intérêt d’actualité palpitant de nos jours, où, d’une part, le Gant de Björsnson et la Sonate à Kreutzer nous prêchent la nécessité d’une parfaite moralité avant le mariage tant pour l’homme que pour la femme, et où, d’autre part, le déterminisme réaliste proclame le pouvoir tout-puissant et absolu des lois d’hérédité et de l’ambiance sur tout individu, l’impossibilité de se soustraire à leur joug.

  1. Il fut écrit à la fin de 1836 et au commencement de 1837 et parut en 1837 dans les nos des 1er et 15 avril, du 1er mai et du 15 juin de la Revue des Deux-Mondes, mais dans toutes les éditions, nous trouvons