Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

George Sand, qui se sentait toujours attirée par les enfants, se lia d’une étroite amitié avec la famille.

Dans l’hiver de 1836, George Sand fit aussi la connaissance de Chopin. C’est là un fait incontestable qui renverse complètement la légende très accréditée chez les biographes de Chopin et très répandue dans le public, d’après laquelle la première rencontre de George Sand et de Chopin n’aurait eu lieu qu’en 1837, à une soirée musicale chez la comtesse C***, ou à une matinée musicale chez le marquis C*** (dans les deux cas, il faut sous-entendre le marquis de Custine). Comme toute légende, celle-là aussi a des prétentions à la poésie. Nous y voyons apparaître un pressentiment mystérieux de Chopin, l’empêchant d’abord de se rendre à cette soirée, un temps gris et sombre, puis, comme contraste, un escalier brillamment éclairé et orné de magnifiques tapis, et une « ombre » passant tout à coup auprès de Chopin dans l’escalier ; on nous apprend même que cette ombre passait avec le frou-frou d’une robe de soie et laissait après elle un parfum de violette. Ensuite on nous montre une splendide salle de bal pleine de danseurs les plus élégants ; Chopin jouant dans l’un des entr’actes (on précise presque après quel quadrille) sa ballade les Adieux du Chevalier ; et l’apparition soudaine, dans l’embrasure d’une porte en face du piano, de Lélia — une grande (?) femme au teint olivâtre[1] ; puis le cœur du jeune musicien épris en coup de foudre ; la première longue conversation entre Chopin et Lélia sous les camélias d’une serre ; le mystérieux nombre 7 ne fait pas même défaut, ce

  1. La manie de ces auteurs d’inventer des fables poétiques allait jusqu’à faire honneur à George Sand d’une haute taille, alors qu’elle était petite, « de la taille d’une fillette de 14 ans », comme nous l’a assuré le plus sceptique et le plus véridique de ses amis.