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elle savait voir, entendre et imaginer ce que personne de nous ne saurait voir, entendre et imaginer aux sons du Rondo de Liszt. Quoi qu’il en soit, dans ce « Conte lyrique » le vol de l’imagination surpasse de beaucoup le mérite littéraire. La partie la mieux réussie et la plus poétique de l’œuvre est l’avant-propos, tandis que le conte lui-même n’est en réalité qu’une olla podrida véritable de moines, de brigands, de chansons à boire, de poignards, de nobles contrebandiers, d’ « orgies » d’opéra, de scélérats et de jeunes-premiers idem. Peut-être des âmes plus poétiques que la nôtre trouvent-elles du plaisir à la lecture de ce gâchis fantastique ; quant à nous, esprit prosaïque que nous sommes, nous avouons franchement et en toute sincérité que parmi les œuvres de George Sand nous n’en connaissons aucune qui soit plus ennuyeuse, de plus mauvais goût et d’une invention plus lourde, et nous serions heureux si l’auteur s’était contenté de réciter de vive voix à ses amis toutes les fantaisies poétiques que le Rondo de Liszt lui avait inspirées, et si elle se fût bornée à n’imprimer que la préface réellement poétique et élégante qu’elle a su leur adjoindre.

« L’air se termine, dit-elle, par cette sorte de cadence qui se trouve à la fin de toutes les tiranas, et qui, ordinairement mélancolique et lente, s’exhale comme un soupir ou comme un gémissement. La cadence finale du Contrebandier est un véritable sonsonete ; il se perd, sous un mouvement rapide, dans les tons élevés, comme une fuite railleuse, comme le vol à tire-d’aile de l’oiseau qui s’échappe, comme le galop du cheval qui fuit à travers la plaine ; mais, malgré cette expression de gaîté insouciante, quand, d’une cime des Pyrénées, dans les muettes solitudes ou sous la basse continue des cataractes, vous entendez ce