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Grâce à tout ce qui précède, il est permis de douter de la justesse de la dernière phrase ; mais la lettre entière nous montre que George Sand avait passé dans le camp des républicains militants, jusqu’à prêcher la nécessité d’employer la force pour réaliser leurs idées, jusqu’à proclamer Robespierre comme un des siens, jusqu’à dire nous, les nôtres, chez nous, en parlant de ces mêmes républicains qui, dans sa Lettre à Everard, étaient encore vous pour elle et auxquels elle avait reproché leur ambition, leur vanité, l’aveugle conviction qu’eux seuls possèdent la vérité et qu’ils ont découvert en quoi consiste le bonheur de l’humanité. Cette même prédication de doctrines républicaines fait le fond et le sujet des très curieuses lettres d’Aurore Dudevant à son fils, qui sont comme l’exposé de ses opinions à elle, et en même temps de son système pédagogique. C’est comme qui dirait la suggestion à l’enfant de son esprit de conduite futur, ou comme un petit catéchisme républicain ad usum delphini.

La même lettre à Guéroult nous prouve que George Sand professait en ce moment pour les saint-simoniens un respect et des sympathies qu’elle n’avait pas pour eux auparavant. Elle fit vers cette époque la connaissance de Vinçard aîné, leur chansonnier en titre, et gagna si bien les sympathies de la « famille saint-simonienne », que celle-ci lui envoya on 1836, par l’entremise de Julien Gallé[1], une foule de cadeaux d’étrennes qui encombrèrent tout le

  1. Voir à ce sujet les Mémoires épisodiques d’un vieux chansonnier saint-simonien par Vinrard aîné (Paris, Dentu et Grassart, 1878), ainsi que les articles de Caribert : La dame bleue et George Sand (le Journal « Paris» 10 décembre 1889) et Les étrennes de Maurice Sand (le même journal, 10 septembre 1889). Mme Boutet, veuve du dernier saint-simonien, prétend par contre que ce fut Vinçard lui-même qui fut chargé de remettre les cadeaux à Mme Sand.