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nologie, et en même temps, elle se pénétrait de plus en plus des idées républicaines de Michel et finit par se convaincre que le salut était dans l’avénement sans retard de la république, que tous les braves enfants de la France devraient hâter dans la mesure de leur force. Conformément à cette doctrine, il était enjoint à tout écrivain de ne pas dépeindre dans ses romans la vie réelle, ni l’amour idéal, heureux ou malheureux, mais de proclamer sur tous les tons l’idéal démocratique, de prêcher le retour de l’âge d’or, de l’égalité, de la fraternité et de la liberté, ou du moins de peindre des types approchant de cet idéal ou tâchant de le réaliser au milieu de leur existence. Rien d’étonnant donc que dans ses lettres de la fin de 1835 et du commencement de 1836, George Sand parle tout autrement des champions de la république qu’au commencement de 1835. Le 9 novembre elle écrit à Guéroult :

« … Pour toutes choses, il y a un beau moment, c’est le commencement. C’est peut-être à cause de cela que je suis si républicaine, et vous si peu peu saint-simonien. Quoi qu’il en soit, allez votre train, si vous croyez que ce soit la bonne voie. Nous voulons tous le bien et nous allons au même but par des moyens différents. Nous nous disputons toujours, parce que chacun croit avoir plus d’esprit que son voisin, et se console d’aller fort mal en voyant que les autres ne vont pas mieux ; triste consolation, en vérité, qui fait beaucoup de mal à notre époque. Toute cette guerre à coups d’épingle que se fait l’amour-propre des uns et des autres n’avance à rien ; tout au contraire. Si tout ce qui a de bonnes vues et de bons sentiments s’accueillait avec tolérance, on ferait le double d’ouvrage.

« Vous ne pouvez nier, mon cher Marius à Minturnes,