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naître un peu mieux le cœur humain. Ne prends jamais pour ton idéal de femme une âme forte, désintéressée, courageuse, candide. Le public te sifflera et te saluera du nom odieux de Lélia l’impuissante !

« Impuissante ! oui, mordieu, impuissante à la servilité, impuissante à l’adulation, impuissante à la bassesse, impuissante à la peur de toi. Bête stupide, qui n’aurais pas le courage de tuer sans des lois qui punissent le meurtre par le meurtre, et qui n’a de force et de vengeance que dans la calomnie et la diffamation ! Mais quand tu trouves une femelle qui sait se passer de toi, ta vaine puissance tourne à la fureur et ta fureur est punie par un sourire, par un adieu, par un éternel oubli. »

On voit bien par ces lignes que le défi est déclaré et que le temps n’est pas loin où l’auteur dira à Marcie de plutôt rester vieille fille que de river sa vie à celle d’un homme indigne de son âme et de garder la liberté de cette âme comme un bien suprême.

Il est à croire aussi que le despotique ami du docteur Piffoël fut quelque peu intimidé par la résistance qu’il trouva en lui, et fit des concessions, car peu de temps après, le pessimiste et savant docteur trace dans son journal la sentence dédaigneuse que voici : « J’ai remarqué que la plupart des hommes s’enhardit et s’aigrit lorsque dans une lutte morale avec elle, on emploie la douceur et le dévouement. Elle s’adoucit et se ravise dès qu’on emploie la violence et la dureté. Espèce méprisable ! Cette règle est quasi invariable dans l’amour… »

L’agonie ne durera plus longtemps ; l’amour est expirant, cela se voit bien.

« … Hélas ! mon Dieu ! j’ai pourtant porté des jougs de fer, et tant qu’on me les a imposés au nom de la tendresse