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dévouement lui est naturellement acquis par le seul fait d’être sorti du ventre de madame sa mère. Il méprise l’ascendant qu’il exerce sur son semblable, parce qu’il s’attribue une puissance d’intelligence et de volonté qui rend impossible toute indépendance d’esprit et de conscience autour de lui. Il méprise son semblable à proportion de la bonté, du sacrifice, de l’abnégation et de la miséricorde qu’il trouve en lui. — Dominer, posséder, absorber, ne sont que les conditions auxquelles il consent à être… à être adoré comme un Dieu, c’est-à-dire trompé, bafoué, adulé… »

Et immédiatement après, George Sand parle en termes si cruellement méprisants de la manie des hommes de s’entendre flatter d’une manière aussi exagérée qu’imbécile, de leur désir constant de voir la femme prosternée et annihilée à leurs pieds, qu’il est trop aisé de deviner quel despote de la pire espèce se cachait sous les allures libérales du tribun berrichon et combien il avait fait souffrir la noble femme qui s’était dévouée à lui corps et âme. Mais il avait trop compté sur son ascendant, il avait négligé de comprendre quelle âme indomptable et fière était celle qui l’aimait. La corde était trop tendue. Elle allait rompre d’un moment à l’autre.

… « Fat impudent, tu ne veux pas qu’on te pardonne, tu veux qu’on croie ou qu’on prétende n’avoir rien à te pardonner. Tu veux qu’on baise la main qui frappe et la bouche qui ment. Cherche donc l’objet de ton amour dans la fange et empêche tout le sexe d’en sortir, tant que tu seras toi-même une idole de boue ; car si la femme s’ennoblissait et se purifiait, tu serais obligé, pour demeurer son supérieur, de t’ennoblir et de te purifier toi-même, et c’est ce que tu ne sais, ne peux, ni ne veux faire…

« Mon cher Piffoël, apprends donc la science de la vie et quand tu te mêleras de faire des romans, tâche de con-