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sions même dans ses jours de répit, et n’ose pas trop se fier aux mieux qui traversent son agonie. Chaque jour il devient plus résigné. « Tu vis, écrit-il plus loin — (d’abord on lisait : « je vis », puis l’auteur avait partout remplacé le je par le tu, ainsi que dans presque tout le journal, du reste) — « tu vis, — la question n’est pas de savoir si c’est pour ton plaisir ou pour ton malheur, pour ton bien ou pour ta perte. Et qui la résoudrait ? Tu vis, tu respires, le ciel est beau… »

Et encore plus loin, tout en appelant Liszt un ingrat, car il souffre tout en étant aimé de la plus charmante femme du monde, le docteur ajoute : « Ah ! si j’étais aimé, moi !… Si tu étais aimé, Piffoël, tu serais ambitieux, et tu n’es pas ambitieux, parce que tu n’es pas aimé. »

« Tu es très sage, Piffoël, extrêmement sage, tu es très philosophe. Tu jettes un coup d’œil très lucide sur ta vie, tu pèses d’une main très ferme tous ces misérables hochets dont tu ne sais pas être avide. Je t’en fais bien mon compliment, cher Piffoël, je t’en félicite, en vérité !  ! Mélancolique animal… (des mots biffés).

Le 6 juin, Piffoël met au bas d’une magnifique page peignant le contraste entre une journée riante et splendide et la tristesse d’un cœur meurtri : « Lettre d’Everard (biffé). Il faut partir demain pour aller vers lui (biffé). Méchante destinée, où sont tes promesses ? Espoir, où sont tes mensonges. Tu n’oserais plus me tenter, tu n’oserais plus me pousser en me disant : « Va, et tu seras heureux. » Tu es muet, car tu sais que je te méprise. Où que j’aille, j’irai sans toi. J’irai seul, triste et inflexible envers moi-même, à cause de moi-même. »

Par une Lettre de femme, datée du 7 juin, nous savons que cette entrevue avec Michel, qui exigeait que son amie vînt à Bourges et ne consentait pas à venir la voir