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après l’avoir sauvée de non pessimisme suprême et de son athéisme social, la sauverait d’elle-même et lui apprendrait à maîtriser son âme sans frein. En vraie femme, elle se sentait heureuse d’avoir trouvé son maître, son guide. Au début, les deux amants avaient bien cru, comme c’est toujours le cas, que leur amour serait éternel ; il semble même qu’ils pensèrent au mariage ; pour cela Michel aurait dû divorcer avec sa femme. Cependant l’avocat paraît avoir bientôt renoncé à ce projet, et il n’accompagna même pas George Sand, lorsqu’elle partit pour la Suisse où elle se rendit, son procès terminé, en août de 1836, quoiqu’elle eût bien prié Michel de faire ce voyage avec elle. Elle partit sans lui, comme on le voit par ses lettres écrites en route et de Genève. (Ces lettres, sous le titre de Lettre à Herbert, — c’est-à-dire à Charles Didier, — forment le n° 10 des Lettres d’un voyageur).

L’hiver de 1836-37 n’améliora pas l’état des choses. Au printemps de 1837, George Sand se sentait déjà très malheureuse. Michel avait tous les travers et tous les caprices d’un despote absolu ; il se montrait très jaloux, tout en voulant que ses trahisons et ses infidélités lui fussent pardonnées ; il était négligent, oublieux, froid, et fit preuve de défauts trop connus, d’inconstance et de versatilité.

Nulle part nous ne voyons mieux l’amertume qui remplissait alors l’âme de la malheureuse femme et les réflexions pessimistes et cruellement vraies auxquelles elle était alors arrivée, que dans le journal intime qu’elle avait commencé à écrire durant cet été, qui avait pour titre : Entretiens journaliers avec le très docte et très habile docteur Piffoël, professeur de Botanique et de Psychologie, et dont la toute première page porte les mots : « 1837, 33 ans ».