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verait quelques milliards. Aussi, je le répète, suis-je devenu scandaleusement bête, et, comme dit le proverbe, stupide comme un musicien. Peut-être serais-je plus à votre fantaisie ainsi, car je me rappelle que vous aviez une profonde aversion pour mes connaissances philosophiques et ontologiques, et c’était fort judicieux de votre part. « Ô vous, non pas Lelia, mais », etc., etc.

À l’occasion de votre ci-devant ami Sainte-Beuve, que dites-vous de l’épisode de 8 000 vers de poème humanitaire ? Quant à moi, j’avoue que je ne me rangerai pas très volontiers au nombre des thuriféraires de cette nouvelle incarnation de Dieu, un peu mystérieusement caché cette fois-ci. Tout en admirant certains détails, certaines journées de certaines époques et surtout quelques vers épars qui sont vraiment sublimes, il m’est impossible d’accepter comme une grande œuvre l’ensemble de Jocelyn. Néanmoins je n’ose pas me prononcer davantage avec vous, car je crains terriblement que vous ne trouviez tout cela, depuis la première syllabe jusqu’à la dernière, magnifique et inouï.

En attendant que nous puissions en causer plus au long, laissez-moi vous dire grossièrement que j’aimerais mieux avoir fait trente pages de Lelia que tout cet épisode où la médiocrité de la pensée et du sentiment paraît si souvent à travers les nébuleux nuages d’un sentimentalisme convenu.

Vraiment, Sainte-Beuve a fait un tour de force en assimilant Jocelyn à Robinson Crusoé, et cela sans que Lamartine puisse s’en apercevoir le moins du monde. C’est un trait de jésuite dont il faut le complimenter.

On m’a dit, ces jours derniers, que Didier (de Genève) devait aller passer quelque temps auprès de vous ; dites-moi ce qui en est de cette nouvelle histoire à laquelle je n’ajou-