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pour rien au monde il n’eût voulu renoncer à son art. Il se mit alors à réfléchir aux moyens de concilier sa vocation de futur prêtre et de musicien. Il préparait par là, comme nous le voyons, le terrain sur lequel devaient germer les semences des doctrines ultérieures de Lamennais et des Saint-Simoniens, concernant la vocation sacerdotale de l’artiste et même du « prêtre-artiste », appelé à occuper dans le gouvernement de l’avenir la même place que celle du prêtre.

Tout comme chez Aurore Dupin, la ferveur religieuse de Liszt se transforma d’elle-même et sans secousses en un ardent amour pour l’humanité. Il ressentit, dit son biographe, Lina Ramann, « une compassion ardente pour les inconsolables et envers tous ceux qui souffrent. En même temps que cette compassion s’éveilla dans son cœur, et pour ne plus jamais s’éteindre, la loi sublime et divine, la loi de pitié. »

À ces élans de piété exaltée succédaient cependant parfois des périodes de doute, d’abattement, d’apathie ; il était de ces natures qui se développent par secousses, par sauts brusques, par hésitations et non par progression suivie. Son père ne pouvait comprendre ces changements et, comme l’aïeule d’Aurore, il était au désespoir en voyant ces transitions inexplicables d’une disposition quelconque à une disposition toute différente. Ces brusques changements n’étaient que le germe des divers intérêts sociaux, religieux et philosophiques qui se manifestèrent en lui plus tard.

Grâce à ses tournées artistiques et à la protection des magnats hongrois, « le petit Liszt », comme Chopin, vivait toujours parmi les aristocrates, qui le choyaient. Il était constamment sur les genoux des comtesses et des princesses, ou dans les salons des duchesses et des têtes couronnées. Aussi,