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ornement du logement modeste de son père. Celui-ci, loin de contrecarrer la tendance de son fils, porta toute son attention sur son talent naissant. Le petit Franz reçut, tant en théorie qu’en pratique, une éducation et un développement musical tout systématique, foncièrement régulier et parfaitement suivi. Par contre, il ne reçut aucune instruction scientifique, son père se contenta de lui faire apprendre à lire, à écrire et à compter, chez un sacristain de village. À vrai dire, le temps manquait à Franz pour apprendre. Dès son enfance, il avait été produit devant le monde comme un enfant prodige, il avait dû paraître en public. Tout jeune encore, ayant perdu son père, puis s’étant établi à Paris, il dut alors subvenir à l’entretien de sa mère en donnant des leçons de musique et des concerts. Ce ne fut que par la pratique qu’il put, dans le cours de ses tournées artistiques, apprendre plusieurs des langues européennes, qu’il posséda ensuite aussi bien que le hongrois, sa langue maternelle. Malgré une instruction élémentaire aussi défectueuse, il sut, grâce à son initiative et à son bon vouloir, se mettre au courant, entre dix-sept et dix-neuf ans, non seulement de toutes les matières faisant partie de ce que l’on nomme d’habitude « cours des sciences » enseigné à la jeunesse, mais encore il continua, sans relâche, à étendre et à s’approprier, avec passion et ténacité, la poésie, la philosophie, l’histoire, les sciences politiques et naturelles, et enfin il réussit à devenir un homme d’une érudition aussi vaste que variée.

Depuis son plus jeune âge, il était d’une piété qui allait jusqu’à la ferveur ; comme la petite Aurore, il eut pendant quelque temps le désir d’entrer en religion et il pensa à se faire prêtre. Il passait des nuits entières à prier ardemment, sans cesser cependant d’aimer passionnément la musique ;