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se contenta de répondre qu’en effet elle eut bien voulu s’éprendre du musicien, ne fut-ce que pour retenir par là son amour à lui, Musset, qu’elle voyait s’éteindre, mais que cela lui était aussi impossible que de se forcer à aimer les épinards. Elle aurait bien voulu en manger, mais c’était plus fort qu’elle, les épinards ne lui plaisaient pas. Durant tout le cours de leurs relations, Liszt et George Sand restèrent l’un pour l’autre des épinards sans goût. Leur amitié, toute masculine, de bons camarades, n’en fut que plus forte et cela n’a rien qui puisse étonner. Il serait difficile de se représenter des natures, des goûts, des tendances, des convictions, des inclinations, un tour d’esprit, une direction de vie plus semblables que les natures, les tendances et même les faits de la vie de Liszt et de George Sand. Nous raconterons brièvement la biographie de Liszt, depuis son enfance jusqu’en 1835, ou plutôt nous raconterons l’histoire de son développement intellectuel et les étapes de sa vie intérieure, à partir du premier moment de l’éveil de sa conscience jusqu’au jour où il fit connaissance de l’auteur de Leone Leoni. Le lecteur pourra juger alors, en connaissance de cause, à quel point tout ce que nous allons dire n’est que la répétition des faits que l’on connaît déjà sur la vie et le développement moral de George Sand.

Franz Liszt naquit à Raiding, près de Eisenstadt, dans la nuit du 22 octobre 1811. Son père, employé dans la gestion des domaines du prince Esterhazy, faisait en outre partie du célèbre orchestre d’Eisenstadt, dont Haydn avait été jadis le chef. La vocation musicale se montra de bonne heure chez le petit Franz, qui, dès son âge le plus tendre, résolut de devenir un musicien « comme celui-là », c’est-à-dire comme Beethoven, dont le portrait était le plus bel