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pour le talent de celle-ci grandirent bien plus encore, lorsque parut Leone Leoni, qui était comme la profession de foi des romantiques. Ce roman représente, en effet, l’amour sans frein, triomphant malgré la raison et malgré le sentiment moral offensé, l’amour placé au-dessus des lois divines et humaines, l’amour tout-puissant et despotique, ce même amour qui, en la personne de la comtesse d’Agoult, commençait déjà à s’emparer de toute la vie présente du jeune musicien. Mais pendant une soirée qu’il passa, quai Malaquais, dans le modeste salon de notre écrivain, George Sand ne lui plut pas comme femme. Comme telle, elle ne lui plut pas davantage dans la suite. Leurs natures étaient trop semblables, et cette ressemblance fut précisément la cause de l’amitié sincère et sérieuse qu’ils conçurent bientôt l’un pour l’autre : mais ce fut cette conformité qui préserva aussi Liszt de toute atteinte de passion pour Aurore Dudevant, et enleva à son amitié à elle, toute empreinte de cette adoration névrosée que Liszt rencontra toujours chez toutes les dames et demoiselles qui l’entouraient. Et quoique ce fût le médisant Heine qui eût répandu le bruit que les rapports les plus intimes s’étaient établis entre George Sand et Liszt, il démentit lui-même ce bruit comme une calomnie, mais toujours à sa manière gouailleuse[1]. Quand au commencement de 1835, à la suite d’un mot imprudent de Buloz sur Listz, Musset, dans un de ses jours noirs, avait fait une scène de jalousie à George Sand, alors encore passionnément éprise du poète, elle

  1. Dans un article de la « Augsburger Zeitun », Henri Laube avait rapporté quelques phrases de Henri Heine à ce sujet. Plus tard, Heine protesta dans sa Lutèce contre sa propre affirmation ; il dit : « An dieser prahlerisen Wanze hat Lelia nie Geschmack gefunden und sie tolerierte dieselbe nur manchmal in ihrer Nähe weil sie gar zu zudringlich war… ». Ce que nous préférons ne pas traduire.