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et le tableau, héritage de mes enfants, à toi, chef de notre république aquitaine, pour en être le gardien temporaire ; mes livres, minéraux, herbiers, papillons, au Malgache ; toutes mes pipes à Rollinat ; mes dettes, s’il s’en trouve, à Fleury, afin de le rendre laborieux ; ma bénédiction et mon dernier-calembour, à ceux qui m’ont rendu malheureux, pour qu’ils s’en consolent et m’oublient. Je te nomme mon exécuteur testamentaire ; adieu donc, et je pars… Adieu, ô mes enfants !… mes amis… et toi, maître, adieu ! sois béni de m’avoir forcé de regarder sans rire la face d’un grand enthousiaste, et de plier le genou devant lui en m’en allant. Ô verte Bohême ! patrie fantastique des âmes sans ambition et sans entraves, je vais donc te revoir ! J’ai erré souvent dans tes montagnes et voltigé sur la cime de tes sapins ; je m’en souviens fort bien, quoique je ne fusse pas encore né parmi les hommes, et mon malheur est venu de n’avoir pu t’oublier en vivant ici… »

Ainsi donc, en l’été de 1835, George Sand se proposait d’aller en Suisse pour voir Liszt et Mme d’Agoult avec qui elle venait d’entrer en relations. Ce projet ne put cependant se réaliser que l’année suivante. Le rôle que Liszt joua dans l’évolution morale de George Sand, et la profonde influence qu’il exerça sur son esprit pendant tant d’années, — influence trop peu appréciée jusqu’ici par les critiques et les biographes de notre écrivain — sont si importants, que le moment est venu de nous arrêter sur ce sujet.

George Sand, qui fut, pendant plusieurs années, liée d’amitié avec Listz, et avec sa compagne, la comtesse Marie d’Agoult, et qui ne rompit avec elle que plus tard, dans l’Histoire de ma Vie, s’est à peu près tue à leur égard et s’est bornée à écrire sur eux quelques lignes insigni-