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années 1835-1837 adressées à ses parents et amis sont remplies d’expressions enthousiastes, qu’elle y parle de Michel comme d’une grande âme, comme d’un prophète vénéré et réellement aimé et qu’elle le soigne avec une tendresse filiale, — sa célèbre Lettre à Éverard, présente les choses tout autrement, surtout lorsqu’on l’analyse à titre de document psychologique et littéraire. Pour nous, qui sommes éloignés de cette époque par plus d’un demi-siècle, nous éprouvons à la lecture de cette lettre une tout autre impression que celle que ressentaient les contemporains et que continuent de partager la plupart des critiques et des biographes. Selon nous, ce n’est nullement là le credo des idées de Michel, mais au contraire, c’est l’expression d’une lutte opiniâtre et la résistance au nom de l’individualité artistique contre les prédications despotiques et intolérantes de Michel. On dirait que nous assistons à un dialogue dont nous n’entendons que les réponses de George Sand, réponses qui sont pour la plupart une protestation, mais ces réponses suffisent pleinement pour pouvoir juger ce que Michel disait et affirmait de son côté. En comparant les pages consacrées à Michel dans l’Histoire de ma Vie, avec la Lettre à Éverard et les lettres particulières, tant imprimées qu’inédites de George Sand, nous voyons qu’elle était tout simplement charmée par la personnalité de Michel, par cette ardeur perpétuelle, par ce dévouement absolu et désintéressé mis au service d’une idée, par cette force d’âme et par cette existence d’où il avait rejeté tout ce qui était égoïste et personnel.

Mais, au premier abord, les opinions de Michel l’avaient effrayée et lui avaient été profondément antipathiques. Non seulement George Sand était trop artiste de nature, trop individuelle, trop amie de la liberté et trop au-dessus