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charge, vous les lisez ou plutôt vous les parcourez négligemment, à peine daignez-vous y faire attention. Il n’aspire qu’à vous voir, il vous dit que sans vous il s’ennuie nuit et jour, — cela vous semble importun, petitesse d’esprit, manque de tact et d’intérêts sérieux, preuve de faiblesse, attentat contre votre liberté. Il vous aime avec désintéressement, se sacrifiant lui-même sans vous demander rien en retour. Pour vous, c’est là se rabaisser, manquer de fierté et déroger au sentiment de sa propre dignité. Il perd patience, les souffrances lui font jeter le masque et se déclarer, son langage devient fou, passionné ; vous voilà irritée, révoltée, — il manque de délicatesse, il est grossier, brutal et vulgaire, il vous accable de sa personne, et c’est ce que vous ne voulez à aucun prix.

Faut-il le dire en un mot ? Toujours et toujours, c’est sa faute à lui, toujours vous avez raison. Mais si lui ou elle n’aime plus, n’aime pas encore ou n’aime pas du tout, mais que vous aimiez, vous ! Ah alors ! les choses changent de face. C’est vous alors qui écrivez, c’est vous qui êtes importun, c’est vous qui manquez de délicatesse, qui n’avez pas le sentiment de votre propre dignité ; votre figure longue et morose ennuie ; vos lettres, vos visites, vos questions, vos soucis, votre amour infini qui éclate dans chacune de vos paroles, dans chacun de vos gestes, chacun de vos actes, tout cela est insupportable, tout cela devient une véritable obsession. C’est vous alors qui avez tous les torts, c’est lui ou elle qui ont toujours raison ! Væ victis.

Dans la vie de George Sand, on trouve, hélas ! beaucoup d’histoires d’amour, on n’en trouve même que trop, et c’est peut-être ce qui l’a fait regarder comme ayant prêché l’immoralité dans tous ses romans, quoique ses héroïnes