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George Sand et ses amis l’y suivirent et les nouvelles connaissances se virent tous les jours dans le petit logement du quai Malaquais. Tantôt, ils assistaient aux plaidoiries de Michel au Palais de Justice, tantôt ils l’accompagnaient à travers Paris dans ses promenades. On discutait, ou bien Michel pérorait, attaquait l’ordre existant, tandis que tous les autres l’écoutaient avec vénération. George Sand, pour ne pas trop attirer l’attention au milieu de cette bruyante compagnie, reprit ses habits d’homme, et ce costume lui permit de pénétrer, sans obstacle, le 20 mai, dans la salle d’audience du Luxembourg[1]. Elle fait de la façon suivante, dans l’Histoire de ma Vie[2], le récit de ces journées : « Depuis quelques jours que nous nous étions retrouvés à Paris, lui et moi, toute ma vie avait changé de face. Je ne sais si l’agitation qui régnait dans l’air que nous respirions tous aurait beaucoup pénétré sans lui dans ma mansarde ; mais avec lui, elle y était entrée à flots. Il m’avait présenté son ami intime, Girerd (de Nevers), et les autres défenseurs des accusés d’avril choisis dans les provinces voisines de la nôtre. Un autre de ses amis, Degeorges (d’Arras), qui devint aussi le mien, Planet, Emmanuel Arago et deux ou trois autres amis communs complétaient l’école. Dans la journée, je recevais mes autres amis. Peu d’entre eux connaissaient Everard ; tous ne partageaient pas ses idées ; mais ces heures étaient encore agitées par la discussion des

  1. Dans le n°VII des Lettres d’un voyageur adressé à Liszt, George Sand décrit d’une manière humoristique cet épisode : « Vous souvenez-vous d’Everard… et de mon frère Emmanuel (Arago) qui me cachait dans une des vastes poches de sa redingote pour entrer à la Chambre des Pairs et qui, en rentrant chez moi, me posait sur le piano en vous disant : « Une autre fois vous mettrez mon cher frère dans un cornet de papier, afin qu’il ne dérange pas sa chevelure… » (Lettres d’un voyageur, p. 228-230, édition Lévy.)
  2. Histoire de ma Vie, t. IV, p. 334.