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l’humanité future. Quand, vers 1835, apparut la discorde radicale entre les saint-simoniens et les républicains, George Sand suivit avec intérêt les explications que Guéroult lui donnait à ce sujet, s’entretenant avec lui de vive voix et par écrit, mais en même temps elle ne permettait pas qu’il s’immisçât trop et d’une manière indiscrète dans sa vie privée. Ainsi, par exemple, elle arrêtait sèchement Guéroult chaque fois qu’il commençait à parler de ses vêtements d’homme ou essayait de lui faire un brin de cour[1]. Et après l’avoir bien sermonné, George Sand lui écrivait au printemps de l’année 1835[2] : « Le seul inconvénient que je voie à cette détermination (le départ pour l’Orient), c’est qu’un séjour nouveau avec des chefs saint-simoniens augmentera en vous le sentiment de fanatisme pour des hommes et des noms propres. Je n’aime pas ce sentiment, je le trouve petit, ravalant et niais. Je l’éprouve souvent, et il n’y a pas vingt-quatre heures que j’ai eu une forte lutte à soutenir contre moi-même pour m’en défendre, en présence d’un homme politique d’un très grand aspect.

« Je ne me suis enrôlée sous le drapeau d’aucun meneur, et, tout en conservant estime, respect et admiration pour tous ceux qui professent noblement une religion, je reste convaincue qu’il n’y a pas sous le ciel d’homme qui mérite qu’on plie le genou devant lui… J’ai causé avec les saint-simoniens, avec les carlistes, avec Lamennais, avec Coëssin, avec le juste-milieu, et hier avec Robespierre en personne. J’ai trouvé chez tous ces hommes de grandes

  1. Voir la Correspondance, t. I, p. 293-297.
  2. Cette lettre datée, dans la Correspondance, t. I, p. 353-358, de mars 1836 se rapporte en réalité au moment où George Sand fit la connaissance de Michel de Bourges, c’est plutôt « avril 1835 » qu’il faudrait y mettre.