Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et le 4 avril, dans sa réponse à la réponse de Sainte-Beuve, elle soulève de nouveau la même question et lui répète : « En résumé, j’arrive à une conclusion que moi seule suis en état de tirer sur moi-même, c’est que ces éclairs de mon front, ces flammes du génie, ces forces passionnées de mon âme, toutes ces ardeurs et ces grandeurs que dans votre poésie… il vous plaît d’appeler ainsi, ne sont que l’abus coupable et le développement maladif de certaines facultés que Dieu m’avait données pour un meilleur usage… Ah ! j’y vois clair à présent, soyez-en sûr, et c’est le châtiment de mes erreurs. Mais il ne me découragerait que si j’étais bien sûre d’être incorrigible et inguérissable. Or, voilà ce que je ne sais pas et ce que je suis bien résolue de savoir en mettant toute la force qui peut me rester à réparer le mal que je me suis fait. Si je ne le puis, je verrai à me brûler la cervelle plutôt que de recommencer la vie que j’ai eue depuis deux ou trois ans. Mais j’espère, non que je sente en moi de grands éléments de succès, mais parce que le désir de réussir fait toujours espérer.

« Ne croyez donc pas que le bah ! qui se trouvait dans ma dernière lettre, en tête, s’il m’en souvient, d’une réhabilitation de l’amour dans mes idées, signifiât autre chose que la volonté de respecter ce sentiment comme une belle et sainte chose, dont j’avais mal usé et dont on avait mal usé avec moi. Quant à la volonté de m’y rejeter par ennui ou par dépit, ne craignez pas que je l’aie. Loin de là, l’idée même d’un amour tel que vous le dépeignez m’apparaît comme un rêve qui ne se réalisera pas pour moi, et que j’appliquerai toute mon énergie à ne point essayer de réaliser. Non, non, ni celui-là, ni l’autre. Ni l’amour tendre et durable, ni l’amour aveugle et violent. Croyez-vous que je puisse inspirer le premier et que je sois tentée d’éprouver le