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vant Lélia. — Aussitôt après, pleine de brillantes espérances, George Sand entreprit d’abord l’excursion à Fontainebleau et ensuite elle partit pour l’Italie. Bientôt se déroulait la tragédie italienne avec son double renouvellement parisien et avec son épilogue émouvant ; Sainte-Beuve, qui avait d’abord conseillé à Musset de revoir sa maîtresse, ne pouvait cependant approuver la répétition des scènes orageuses de l’Italie, il faisait tous ses efforts pour empêcher les entrevues des deux amants ; George Sand en parle d’une manière assez mordante et irritée dans ses lettres et dans son journal envoyé à Musset[1]. On aurait pu croire que son amitié pour Sainte-Beuve en fut ébranlée, et il semblait aussi que George Sand eût oublié à jamais ses recherches passées de la vérité et son intention de se faire une autre vie. Mais à peine eut-elle acheté, et bien chèrement, sa liberté, que cette âme, fière et flexible comme l’acier, retint d’un coup, comme s’il n’y eût eu aucun intervalle ni empêchement, au même point qu’elle avait atteint avant sa liaison avec Musset. Et à peine établie à Nohant, elle envoyait déjà au mois de mars et d’avril à Sainte-Beuve les deux remarquables lettres publiées naguère par M. de Loménie dont nous avons cité un fragment[2]. Se plaignant avant tout que Sainte-Beuve l’avait abandonnée au moment le plus pénible de sa vie, elle le

  1. Elle écrit dans son journal : « C’est trop affreux ! Je ne peux pas croire cela ! Je vais y aller ! J’y vais ! — Non ! — Crier, hurler, mais il ne faut pas y aller. Sainte-Beuve ne veut pas… »
    Et Sainte-Beuve lui-même écrivait à ce moment sur une carte de visite, à Musset : « Je venais vous voir pour vous prier de ne plus voir ni recevoir la personne que j’ai vue ce matin si affligée. Je vous ai mal conseillé en voulant vous rapprocher, trop vite du moins. Écrivez-lui un mot, mais ne la voyez pas, cela vous ferait trop de mal à tous les deux. Pardonnez-moi mon conseil à faux. »
  2. — Voir ch. vii, p. 410.