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de ce dernier : Pouchkine, Lermontow, Musset, Mickiewicz et autres. Et de nos jours ne voyons-nous pas à chaque instant des peintres et des musiciens se faire les adeptes des penseurs qui parlent à leur âme ou répondent à leur nature, et ne font pour ainsi dire que répercuter leurs pensées ? George Sand elle-même avoue franchement que bon nombre de ses contemporains ont exercé sur elle une semblable action et l’ont aidée à se faire une idée nette de la vie. En effet, dans beaucoup de ses œuvres on peut facilement suivre l’influence indéniable des grands esprits (et quelquefois des esprits médiocres) avec lesquels, elle fut pendant sa vie en contact ou en relations plus ou moins amicales.

Mais il est hors de doute aussi qu’elle ne s’est trouvée sous l’influence de ces esprits-là, et non sous une autre, que parce qu’elle avait, dans son esprit et dans sa nature, des traits qui l’en rapprochaient et lui donnaient comme une sorte de parenté avec eux[1]. Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est la suite du développement de ces idées, le passage imperceptible mais graduel des unes aux autres, que nous trouvons dans l’histoire de la vie intellectuelle de George Sand. En écrivant l’Histoire de ma Vie, elle avait l’intention de nous raconter notamment l’histoire de son développement et de sa croissance intellectuelle.

  1. M. Rocheblave, dans sa spirituelle préface aux Pages choisies de George Sand (Paris, 1894, Lévy), est tout à fait dans le vrai en faisant remarquer que ce ne sont pas tant les idées de telle ou telle personne qu’elle prêchait dans ses œuvres, mais les idées générales de l’époque, qui planaient pour ainsi dire dans l’air. Puis il ajoute : « On a parlé de la réceptivité de George Sand, et avec raison. La faculté de s’assimiler et de transformer, tenait chez elle du prodige. Recevoir vite et rendre dix pour un était pour elle comme une fonction naturelle. Mais on n’a pas assez pris garde qu’elle savait repousser aussi fortement qu’elle savait attirer. Son cerveau, comme un vigoureux organisme, élimine dès l’abord tout ce qu’il ne peut convertir en nourriture. »