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consacrés à George Sand, est d’affirmer que toutes ses idées et ses théories ne sont rien autre que l’écho d’autres voix, la répétition des idées et des théories des personnages sous l’influence desquels l’écrivain se trouvait à telle époque de sa vie. Ceci a été exposé sur des tons très différents : par les uns, sous forme de reproche et de raillerie ; par d’autres, — tels que Renan et M. d’Haussonville, — sous forme d’éloge. Ces deux derniers font un juste mérite à la grande romancière d’avoir su refléter les plus sublimes idées de notre siècle[1].

Nous sommes complètement de cet avis, et nous avons déjà dit dans le premier chapitre de ce livre que du commencement à la fin de sa production littéraire, George Sand nous apparaît comme une brillante traductrice des plus grandes idées de son temps. Laissant, pour le moment, ce fait de côté, nous nous arrêterons sur la question de savoir jusqu’à quel point ont raison ceux qui accusent George Sand ou la portent aux nues parce qu’elle a préconisé les idées d’autrui ; nous nous proposons donc d’exa-

  1. Nous nous permettons de citer quelques fragments des pages de Renan si profondément senties et si belles dans leur simplicité, pages dédiées à George Sand dans ses Feuilles détachées, et qui sont, selon notre opinion à nous, avec l’article de Dostoïevsky et le discours de Victor Hugo, ce qu’il y a de mieux dans tout ce qui a été écrit sur George Sand. Touché de ce que les dernières pages de George Sand eussent trait à lui, de ce qu’il avait été « le dernier à faire vibrer cette âme sonore, qui fut comme la harpe éolienne de notre temps », Renan dit : « Elle eut le talent divin de donner à tout des ailes, de faire de l’art avec l’idée qui pour d’autres restait brute et sans forme… un instrument d’une sensibilité infinie était en elle ; émue de tout ce qui était original et vrai, répondant par la richesse de son être intérieur à toutes les impressions du dehors, elle transformait et rendait ce qui l’avait frappée en harmonies infinies. Elle donnait la vie aux aspirations de ceux qui sentirent, mais ne surent pas créer. Elle fut le poète inspiré qui revêtit d’un corps nos espérances, nos plaintes, nos fautes, nos gémissements. Ce don admirable de tout comprendre et de tout exprimer était la source de sa bonté. C’est le trait des grandes âmes d’être incapable de haïr. Elles voient le bien partout et elles