Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vénitien, qui n’est dangereux que pour les oppresseurs et les tyrans », comme le déclare Beppa dans la conclusion ? Cela nous laisse l’impression de quelque chose d’indécis, de vaguement charmant, comme baigné du crépuscule transparent des lagunes vénitiennes, et de profondément triste. On y sent déjà le poète qui, vingt ans plus tard, saluera comme publiciste, la guerre pour l’indépendance de l’Italie. Dans son poème fantastique et dans le bien sobre article de journal, le sentiment est le même : douleur et indignation contre l’oppression d’un peuple jadis si grand ; désir de le voir renaître à la liberté ; joie à la vue de sa résurrection après un long sommeil ressemblant à la mort.

Les Lettres d’un Voyageur, Mattea, l’Uscoque, les Maîtres mosaïstes, l’Orco, la première partie de Consuelo, tous ces romans et nouvelles nous transportent non seulement dans l’atmosphère poétique de Venise, — la reine endormie des mers, — et nous dépeignent d’une manière admirable, son calme, son palais, ses églises, ses lagunes, ses verts canaux, son ciel serein, son air doux et pur, la vie grouillante de ses ruelles, sa population composite, la gaîté, la simplicité et le laisser-aller de ses habitants, la soumission bénigne et somnolente d’un peuple insouciant ; mais il brille encore dans toutes ces œuvres comme un reflet de la grandeur et de la gloire passées de cette reine de l’Adriatique, et nous ne connaissons aucun poète, après Byron, qui, comme George Sand, nous fasse ainsi partager ses regrets de la décadence de cette belle cité et savourer la poésie de son ancienne vie. C’est qu’à Venise, comme autrefois dans les Pyrénées, George Sand était toute remuée par les moindres impressions. De là, il résulte qu’à côté des exquises descriptions de son cher Berry, les plus belles peintures que l’on trouve dans son œuvre sont :