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amené la rupture, causes gisant dans le caractère de Musset (aussi bien que dans celui d’Octave), que George Sand n’eût certes pu trouver un meilleur plaidoyer pour se défendre et se justifier, que l’explication donnée par Musset, de tout ce qui s’était passé entre eux. C’est un verdict prononcé contre lui-même par un grand poète, par une grande âme. Pourtant, quoique les deux écrivains, dans la Confession et dans Elle et lui, aient profité involontairement des images et des souvenirs qui couvaient au fond de leur âme, ils les ont transformés dans le creuset de leur poésie en créations d’art, et si, dans ces deux romans, tant de choses se ressemblent, cela prouve uniquement qu’il existait une certaine similitude dans la manière de voir et de faire des auteurs, et que certes les mêmes faits réels ont servi de base à leurs fictions[1]. Il est évident que les deux auteurs atteignent à la même vérité artistique dans leurs livres, et que la manière d’analyser les faits de la vie réelle qu’ils avaient sous la main, les conduisit tous deux presque au même résultat. (Nous n’entendons nullement donner, dans ce que nous venons de dire, une valeur égale comme œuvres d’art à ces deux romans, et nous sommes loin de mettre sur le même rang la Con-

  1. Voici ce qu’en dit Lindau : « Dans les deux dernières parties de son roman, Musset développe la même pensée, qu’il avait déjà énoncée dans ses œuvres antérieures : celui qui s’est adonné au vice est incapable de s’en défaire, il sera éternellement sa victime, le vice le privera du bonheur, le tourmentera par le doute, le conduira à l’injustice, le rendra malheureux.
    « Ainsi, Octave n’est pas en état d’apprécier la femme qui l’aime. Sans aucun motif, il tombe en proie à une honteuse méfiance. Il tourmente la pauvre Brigitte, la traite avec dureté et même avec cruauté. Il commence à être jaloux du passé de la veuve et finit par lui reprocher de s’être donnée à lui. De là il tire la piteuse conclusion : « Pourquoi ne se donnerait-elle pas à un autre ? » Tout cela est peint avec un réalisme effrayant, avec une vérité sans bornes. Tout cela est écrit d’après nature. Les sentiments offensants d’Octave, Musset les a éprouvés. Parfois on a l’impression de lire un chapitre de Elle et Lui… »