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ils brûleraient ensemble les deux paquets. Paul de Musset promit, mais ne vint pas. George Sand lui écrivit alors le 18 mars 1859 : « Si je les ai brûlées sans vous, c’est votre faute[1]… » Comme on le verra, elle ne les brûla cependant pas, et l’affaire, pour le moment, en resta là.

Mais la mort de l’homme autrefois aimé, son souvenir constamment rappelé dans les conversations du moment et dans la presse, toute remplie de récits et de notices consacrés au poète, tout cela fit revivre en la mémoire et en l’âme de George Sand les années d’autrefois, l’ancien amour, la vieille douleur. S’en souvenant, analysant en son for intérieur tout le passé et désireuse de s’expliquer ce qui lui avait paru jusque-là inexplicable et incompréhensible ; occupée longtemps à se demander amèrement pourquoi leur amour avait fini si tristement après avoir si joyeusement commencé, George Sand fut aisément portée à écrire, de son côté, un roman basé sur les mêmes données psychologiques qui avaient servi de point de départ à Alfred de Musset dans la Confession d’un enfant du siècle. Elle écrivit Elle et Lui.

Si dans plusieurs des œuvres de George Sand, écrites entre 1833 et 1839, on entend parfois les échos de son amour pour Musset et si l’on y trouve aussi des réminiscences du voyage à Venise — reflet involontaire de son état d’esprit d’alors — en 1858, lorsqu’elle écrivit Elle et Lui, elle était déjà bien loin de ce qui s’était passé vingt-cinq

  1. Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, du 20 novembre 1892. Lettre de M. Maurice Clouard au docteur Cabanès. L’histoire de cette correspondance est exposée avec beaucoup de finesse et d’équité dans le livre du vicomte de Spoelberch, Véritable histoire, où cet éminent écrivain encadre une foule de lettres et de documents inédits et précieux, — de commentaires délicats et judicieux et d’observations historiques d’un goût sûr.