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ser, cette déception aussi ne fut pas de longue durée. Musset et George Sand virent tous deux qu’ils n’avaient pas cessé de s’aimer ; chacun se reprochait d’avoir perdu le bonheur par sa propre faute. La passion de Musset éclata avec une force invincible, il reconnut clairement, une fois de plus, combien George Sand était supérieure à toutes les femmes qu’il avait rencontrées sur son chemin. Son désespoir n’eut plus de bornes, George Sand éprouvait la même chose. Le regret du bonheur perdu, les remords, une tristesse désespérée commencèrent à la ronger à tel point, qu’elle en vint à des pensées de suicide. Plongés dans l’horreur et le chagrin de ne pouvoir réparer tout ce qui s’était passé entre eux, conscients de l’engrenage survenu dans leurs rapports et dans lequel eux tous s’étaient jetés tête baissée, George Sand et Musset s’enfuirent de Paris, l’une à Nohant, l’autre à Bade. Pagello avait promis d’aller à Nohant, et avait même reçu une invitation ad hoc de la part de Dudevant, mais il eut la délicatesse et le bon sens de ne pas profiter de cette invitation, et il resta seul à Paris.

George Sand, arrivée à Nohant, s’abandonna au plus sombre désespoir. La pensée du suicide la tint opiniâtrement sous son pouvoir, et la vue de ses amis : Fleury, Duvernet, Papet, Rollinat, Néraud, et de leurs femmes, loin de la consoler, ne fit qu’envenimer ses plaies et lui prouver quelle distance la séparait de son cher passé et combien l’amitié la plus dévouée est impuissante à donner le bonheur à l’homme tourmenté par un autre sentiment. Elle sentit surtout — ce que l’on sent toujours dans le malheur — l’éternelle solitude de tout être humain. Toutes les lettres imprimées ou inédites de George Sand, datant de cette époque : à Rollinat, Papet, Boucoiran et