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À l’instar de ceux-ci, comme on peut le voir d’après une des lettres de Bélinsky, Les slavophiles, découvrant chez George Sand comme chez Louis Blanc la confirmation de leur théorie sur le rôle et la mission du peuple, la citent très souvent dans leurs articles.

Mais c’est incontestablement Dostoïéwsky, cette grande âme qui a su apprécier une autre grande âme, qui a trouvé pour parler de George Sand les paroles les plus chaleureuses, les plus caractéristiques, les mieux senties, inspirées par une profonde gratitude. Nous avons déjà mentionné plus haut les deux articles qu’il avait consacrés à la mémoire de George Sand, alors récemment décédée, dans la livraison de juin 1876, du Journal d’un homme de lettre. Commençons par citer le second article, qui se prête le mieux à notre exposé. Il est intitulé : Quelques mots sur George Sand.

« L’apparition de George Sand dans la littérature, dit Dostoïéwsky, coïncide avec les premières années de ma jeunesse. Je suis fort heureux maintenant que cela soit déjà si loin, car, à présent que trente années se sont écoulées, puis parler en toute franchise. Il faut noter qu’à cette époque éloignée[1] les romans étaient presque les seuls ouvrages qui fussent autorisés en Russie, pendant que tout le reste, comme presque toute pensée, celles surtout venant de France, était sévèrement interdit. Oh ! bien souvent on ne savait pas voir clair, dans ces pensées ! Comment aurait-on pu voir, comment nos imitateurs eussent-ils pu bien voir les choses lorsqu’elles échappaient souvent à Metternich lui-même ! Mais parfois certains « ouvrages terribles » passaient sans obstacle, tel Bélinsky, par

  1. Celle du règne de l’empereur Nicolas Ier.