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d’avoir écrit ses articles rétrogrades. L’influence de George Sand a mitigé, chez cet écrivain, ce qu’il y avait d’excessif dans les théories de Hegel comprises d’une façon trop exclusive, et ont adouci les déductions tirées de l’aphorisme du philosophe allemand, aphorisme incomplètement interprété : « Ce qui est réel est sensé ! » Si nous rencontrons souvent, il est vrai, dans les articles de Bélinsky de la première et de la seconde période, des opinions hostiles aux romans de George Sand, (tout comme on y rencontre des critiques malveillantes à l’adresse de Balzac), Bélinsky, à la fin de sa carrière, parle tout autrement de la célèbre femme de lettres, et il est à supposer qu’il avait fini par se convaincre à quel point était étroite son ancienne idée de « l’art pour l’art ». Dans son article intitulé : Discours sur la critique de A. B. Nikitenko, 1842, il disait déjà : « George Sand est, sans contredit, la première gloire poétique du monde contemporain. Quels que soient ses principes, on peut ne pas les accepter, ne pas les partager, les trouver faux, mais impossible de ne pas l’estimer, car c’est un être pour lequel toute conviction devient croyance de l’âme et du cœur. C’est pour cela que ses œuvres pénètrent si profondément en nous et ne s’effacent jamais de la mémoire. C’est pour cela que son talent ne perd jamais rien de sa vigueur et de son activité, qui ne cessent de se fortifier ni de grandir. Ces sortes de talent sont encore remarquables par leur caractère, leur nature énergique ; leur vie est aussi irréprochable que leurs œuvres, frémissantes de sympathie et d’amour pour l’humanité, sont profondes et lumineuses ». Ceux qui savent que Bélinsky lui-même a été, avant tout un homme pour qui « toute conviction devenait croyance de son cœur et de son âme »,