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Björnson. Pour nous, Lélia pêche par un défaut bien plus grave pour une œuvre d’art : la thèse à outrance, le manque de goût, La boursouflure du style. Et, sous ce rapport, la version de 1836 dépasse encore son prototype de 1833.

Cependant le succès de Lélia consacra la gloire de son auteur, fit du nom de George Sand le nom le plus populaire de 1833 et l’identifia avec celui de l’héroïne du roman. Même de nos jours Mme  Sand est appelée dans les biographies, Les articles et les cours de Littérature, tantôt « Lélia », tout court (dans son livre sur Chopin, Liszt la nomme « brune et olivâtre Lélia », tantôt « l’auteur de Lélia ». Il y a peu de temps encore une certaine dame ou demoiselle, à une conférence qu’elle fit à Saint-Pétersbourg, dans un club féministe, ayant pour thème les femmes de George Sand, proclama, hélas ! Lélia « le meilleur roman de la célèbre romancière ».

Lélia est écrit en un style d’une Beauté étrange ; il y a des pages d’une boursouflure et d’une rhétorique insupportables, mais il y en a aussi de sublimes. Plusieurs passages, tant de la première que de la seconde édition, surtout les tableaux de la nature, sont dignes de trouver place dans des « pages choisies ». Telles sont, par exemple, la description du cimetière du couvent ; celle d’une nuit étoilée, de l’aube et du lever du soleil vu du sommet d’une montagne[1] ; telles la scène du tombeau (décrivant un tombeau que George Sand avait réellement vu au jardin d’Ormesson) et le dialogue nocturne entre Lélia et Sténio ; tels les chapitres Dieu et Lélia au rocher[2] d’une hardiesse et

  1. Elles parurent d’abord dans la Revue des Deux-Mondes, dans les nos des 15 juillet et 1er décembre 1836, sous le titre de Contemplation, les Morts, etc.
  2. Les réflexions que Lélia fait, pendant les heures qu’elle passe