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telle vilenie et d’oublier à tel point la pudeur. Gustave Planche provoqua Capo de Feuillide en duel et le duel eut lieu. Heureusement aucun des deux adversaires ne fut blessé. De méchantes langues prétendirent que la balle de Planche avait tué une vache que dut payer Buloz, Planche, ce réfractaire, comme l’appela plus tard Vallès, n’ayant jamais le sou.

George Sand fut très mécontente de la tournure que l’affaire avait prise. Le duel, les légendes, qui coururent Paris sur Planche et ses relations avec elle, ces racontars insipides l’irritaient beaucoup. Musset, déjà son ami intime à cette époque, relata l’épisode sous la forme la plus drôlatique. Musset n’aimait pas Planche, c’est pourquoi il nous semble que le refroidissement qui se déclara bientôt après dans les relations entre l’austère critique et la grande romancière, puis leur rupture définitive doivent être en grande partie attribués à l’amour naissant d’Aurore pour Musset. Les commères de l’époque expliquèrent la rupture à leur manière et les traces de ces caquets se retrouvent jusque dans les premiers chapitres de Lui et Elle. Combien George Sand a dû être révoltée des allusions que l’on faisait à sa prétendue liaison avec Planche ! Nous en voyons la preuve dans ses lettres à Sainte-Beuve et à Boucoiran.

Quoi qu’il en soit, Lélia souleva une véritable tempête. Il n’est pas un seul des romans de George Sand qui lui ait valu comme Lélia, la réputation d’écrivain dangereux, de propagateur d’idées perverses, d’impie, de prédicateur de la corruption. À nos yeux, le lecteur le sait, d’une part, Lélia est l’expression de la désolation amère d’Aurore à l’époque où elle écrivit ce roman ; et d’autre part, les idées que George Sand y prêche sont devenues vérités communes, quelque peu en vogue de nos jours et prêchées par Tolstoï, Ibsen et