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l’humanité, comme c’est au contraire le cas dans la seconde édition du roman. En 1836, lorsque sous l’influence des idées de Lamennais, de Liszt, de Leroux et de Michel de Bourges, George Sand transporta peu à peu le centre de gravité de sa sphère personnelle dans la sphère sociale, et vit de nouveau s’épanouir ses tendances à la pitié active pour l’humanité, elle voulut refaire Lélia dans un sens plus consolant. La désespérance sans issue, le tragique trop cruel de la destinée de l’héroïne, tels qu’elle les avait peints dans la première édition, la révoltant maintenant, elle changea la seconde partie du roman et y ajouta tout un volume. Nous devons dire que la première édition de Lélia donne une impression infiniment plus forte et plus complète que la seconde. Les raisonnements à l’infini et les longues expositions de l’activité bienfaisante de l’abbesse Lélia atténuent et refroidissent considérablement la saisissante beauté de ce sombre poème en prose.

Il y a bon nombre de personnes qui ont voulu voir en Sténio le portrait d’Alfred de Musset, Cela ne peut être vrai pour la première version, par la simple raison que Lélia, commencée, comme nous l’avons vu, bien avant qu’Aurore Dudevant eût fait la connaissance de Musset, fut terminée en juillet 1833 et livré à la publicité le 10 août de la même année. Par conséquent, à l’époque où George Sand connut Musset, elle était déjà en train de corriger les épreuves du roman. Quoique Musset ait écrit pour son amie le Chant de Sténio et que George Sand ait donné comme épigraphe à la troisième partie quelques vers de Musset, il est évident que ce n’est pas Musset qui a servi d’original à Sténio (première édition). Il est à regretter que cet Inno Ebbrioso, une des plus belles poésies de Musset par la puissance, la verve, la passion et la beauté de la