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sa philosophie, toutes ses recherches de la vérité n’ont servi qu’à faire son malheur et celui de tous Ceux qui l’ont approchée ; elle lui conseille de suivre son exemple, de ne vivre que pour le plaisir seul. Pulchérie est pour ainsi dire, un dédoublement de Lélia, la personnification de la partie passionnelle, féminine de son être. En même temps, le lecteur comprend que l’amitié de Lélia pour Pulchérie est comme un reflet de l’amitié d’Aurore pour Mme Dorval, que les paroles de Pulchérie sont une reproduction exagérée et comme qui dirait concentrée des conversations des deux femmes. Pour lui prouver que dans la vie les jouissances seules sont réelles et vraies, Pulchérie se charge, en profitant de sa ressemblance avec sa sœur, d’abuser et de séduire Sténio qui, elle en est persuadée, n’aime en Lélia que la femme.

Le poète connaît en effet si peu Lélia, que, rencontrant Pulchérie dans un réduit sombre et mystérieux pendant une fête à la villa Bambucci, il la prend pour Lélia. Les caresses et les paroles provoquantes de Pulchérie lui paraissent naturelles ; il croit que l’amour de Lélia a enfin triomphé de ses raisonnements. Lélia, que le hasard conduit, est entrée dans le même pavillon ; elle assiste à leur tête-à-tête. Sténio parle tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre sœur, il n’entend ni la différence de leurs voix, qui est nulle, ni la dissonnance de l’esprit des paroles, qui est énorme entre la spiritualiste Lélia et la passionnée et matérielle Pulchérie. Sténio devient l’amant de Pulchérie. Lélia est au désespoir. Elle avait sincèrement aimé Sténio, mais d’un amour qui n’avait rien de commun avec la passion du jeune homme. Quand elle apprend qu’il est tombé dans le piège grossier, qu’il a été si facilement vaincu par les sens et que, découvrant sa méprise, il l’accuse, elle,