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Au printemps de 1848, Monckton-Milnes, plus tard Lord Hougton, un riche anglais qui habitait Paris, très connu dans le monde littéraire et artistique, donnait un jour un dîner, « en petite comité » (sic). Mérimée était au nombre des invités avec Tocqueville[1]. « La société fut assez peu homogène », dit-il ; il y avait Tocqueville, Mignet, Considérant, quelques « fouriéristes » et trois dames. Une de ces dames avait de fort beaux yeux qu’elle baissait sur son assiette. Elle était en face de moi, et je trouvais que ses traits ne m’étaient pas inconnus. Enfin, je demandai son nom à mon voisin. C’était Mme  Sand. Elle m’a paru infiniment mieux qu’autrefois. Nous ne nous sommes rien dit, comme vous pouvez penser, mais nous nous sommes fort entre-lorgnés[2] ».

Dans la suite, Mérimée eut l’occasion d’être encore plus aimable envers George Sand, et, hélas ! chevalier plus fidèle que Sandeau qui ne fit preuve de sentiments rien moins que chevaleresques envers son ancienne amie. En 1861, il fut question, à l’Académie française, de décerner le prix de 20 000 francs à George Sand. Elle ne l’obtint pas, n’ayant pas eu le nombre nécessaire de voix dans la commission chargée d’adjuger le prix. D’après les uns, ce serait Jules Sandeau qui lui aurait mis une boule noire, d’après les autres, il se serait dit « malade », et son absence à la séance du scrutin aurait été cause de l’insuccès de George Sand[3].

  1. Dans les souvenirs de Tocqueville, nous trouvons quelques pages très curieuses sur sa première rencontre avec G. Sand. Nous reproduirons plus loin les lignes qu’il a consacrées à ce dîner. (Souvenirs de Alexis de Tocqueville, p. 204.)
  2. Lettre à la comtesse de Montijo (Mérimée et ses amis, p. 194-195). D’après cette lettre, le dîner aurait eu lieu avant le 6 mai 1848, tandis que Tocqueville dit qu’il était entre le 12 mai et les journées de Juin.
  3. Voir là-dessus les intéressants détails et documents dans la Véritable Histoire de « Elle et Lui », par le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul,