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à Prosper Mérimée. Voici ce qu’elle écrit à ce sujet à Sainte-Beuve[1], et c’est si caractéristique, si horrible dans sa désolante sincérité que tous commentaires seraient superflus : « Déjà très vieille et encore un peu jeune, je voulais en finir avec cette lutte entre la veille et le lendemain ; je voulais arranger tout de suite ma vie comme elle devait l’être toujours. J’avais, comme tout le monde, des jours de volonté grave et de saine résignation ; mais, comme tout le monde, j’avais des jours d’inquiétude, de souffrance et d’ennui mortel. Ces jours-là, j’étais si déplorablement sombre et chagrine que je désespérais de tout, et que, prête à m’aller noyer, je demandais au ciel, avec angoisse, s’il n’était pas sur terre un bonheur, un soulagement, même un plaisir.

« Vous ne m’avez pas demandé de confidence : je ne vous en fais pas, en vous disant ce que je vais vous dire, car je ne vous demande pas de discrétion. Je serais prête à raconter et à imprimer tous les faits de ma vie, si je croyais que cela pût être utile à quelqu’un. Comme votre estime m’est utile et nécessaire, j’ai le droit de me montrer à vous telle que je suis, même quand vous repousseriez ma confession.

« Un de ces jours d’ennui et de désespoir, je rencontrai

  1. Cette lettre, datée « de juillet 1833 », parut dans la Revue de Paris du 15 novembre 1896 et n’a pas été réimprimée dans le volume des Lettres de George Sand à Sainte-Beuve et à Musset, publiées chez Calmann Lévy. Remarquons en passant que les lettres de George Sand à Sainte-Beuve tant dans la Revue de Paris, qu’en volume, paraissent être imprimées non d’après les originaux, mais d’après des copies fourmillant d’erreurs, sont mal rangées et mal datées, sans aucun ordre chronologique, arbitrairement, et ne contiennent pas en entier la Correspondance des deux illustres écrivains. Nous avons eu l’occasion de nous en convaincre grâce à la bonté de la personne à laquelle cette Correspondance appartient désormais. C’est à la lettre citée, ainsi qu’à celle du 25 août 1833, que se rapporte la note de la main de Sainte-Beuve que M. de Spoelberch reproduit dans ses Lundis d’un Chercheur, p. 173.